Le métier de régisseur | Entretien avec Olivier Bathellier

Installation de l’Allosaure en gare de Saint-Exupéry
L’équipe de la régie des œuvres et de la conservation préventive, en collaboration avec le service des collections, s’est occupée cet été, du déplacement du moulage de l’Allosaure dans la gare de Saint-Exupéry.

Olivier Bathellier, a été régisseur au musée d’Art Contemporain de Lyon jusqu’en 2002, avant d’occuper le poste de responsable du service de la régie des œuvres et de la conservation préventive du musée des Confluences. Dans cet entretien, il nous présente le métier de régisseur et nous raconte le déplacement et le montage de ce théropode.

Olivier, peux-tu nous rappeler quelles sont les missions d’un régisseur ?

Pour schématiser, je dirais que c’est tout ce qui a trait à la sécurité des collections concernant tant leur bonne conservation en réserves et en exposition que la manutention, la manipulation, l’emballage, l’accrochage, le décrochage ou le transport des collections.
D’une manière générale c’est mettre en œuvre tout ce qui permet de garantir la sécurité physique et administrative des collections. Les collections sont également assurées, et nous veillons à ce que les objets soient en sécurité d’un point A à un point B quand ils se déplacent ou qu’ils sont, en réserve, dans les salles d’expositions temporaires et permanentes, en France comme à l’étranger.
Au sein du bâtiment du musée des Confluences, nous nous occupons plus particulièrement des réserves d’ethnologie qui y sont localisées mais nous intervenons également sur les réserves externalisées des sciences de la vie, sciences de la terre et sciences et techniques basées, quant à elles, au Centre de conservation et d’étude des collections Louis Lortet.

De combien de personnes est constituée l’équipe de la régie des œuvres et de la conservation préventive ?

Nous sommes cinq, un responsable de service, une régisseuse des collections, une régisseuse des expositions, un régisseur des espaces ainsi qu’une technicienne de conservation basée au centre de conservation où elle réalise les moulages scientifiques et muséographiques tout en travaillant plus spécifiquement sur des collections des sciences de la vie et de la terre. Concernant les objets des collections du musée des Confluences, la régisseuse des collections prend en charge les demandes de prêts émanant de l’extérieur. Toutes les demandes formulées par des institutions muséales qui nous sollicitent sont gérées par notre régisseuse qui va s’assurer de la conformité de toute la partie administrative et assurance, mais également de l’ensemble des questions d’emballage, de transport et d’accrochage de ces collections. Notre régisseuse des collections est également amenée à s’occuper, en liaison avec le service des collections, des questions de restaurations, de dépôts, dons ou acquisitions d’objets de collection.

Concernant les collections empruntées à des institutions muséales pour les expositions temporaires que nous organisons, la régisseuse des expositions traite administrativement les demandes de prêt extérieures. Elle s’assure également, en liaison avec les services expositions et muséographie, du respect des bonnes conditions de présentations, des questions de conservation préventive, etc. C’est un métier qui est similaire à celui exercé par le régisseur des collections dans le sens où les questions d’emballage, de transport, d’assurance, d’accrochages ou de décrochages sont semblables. Néanmoins, il y a une grosse différence de temporalité entre régie de collection et régie d’exposition : le long terme d’un côté, le court terme de l’autre si bien que question planning celui-ci va avoir tendance à être plutôt linéaire question régie de collection et plutôt en dents de scies côté régie d’exposition.

Notre régisseur espace, quant à lui, partage ses activités entre ces multiples plannings, il intervient techniquement tant sur les questions de collections que sur les questions liées aux expositions. Il a en outre à gérer la question des espaces réserves du musée, des zones de quarantaine, de la caisserie, de l’atelier dédié à la régie, des commandes de matériel, etc. C’est un métier aux champs d’activité étendu qui requiert de très bonnes compétences techniques ainsi que de bonnes connaissances en conservation préventive. Nous travaillons tous en étroite collaboration et la gestion transversale des dossiers est souvent requise pour mener à bien l’ensemble des missions qui nous sont confiées.

Peux-tu nous raconter les grandes étapes d’une installation comme celle de l’Allosaure ?

Concernant l’Allosaure, c’est un spécimen qui est souvent parti en prêt extérieur et qui a également longtemps été conservé en caisse au musée des Confluences. Les conditionnements avaient beaucoup voyagé et étaient un peu défraichis aussi nous avons choisi de nous en débarrasser lorsque l’Allosaure a été dernièrement installé au sein de la bibliothèque du musée. Comme souvent dans nos activités, l’inattendu n’est jamais loin et l’opportunité de le présenter à la Gare TGV de l’aéroport s’est présentée. Nous avons alors remis au propre le conditionnement et l’emballage, repensé certains points, en particulier le bassin du spécimen fragile et volumineux et reconditionné certaines caisses que nous conservons toujours pour ce type d’évènements. Il faut savoir que la plupart des caisses utilisées en transport d’œuvres d’art ne sont que très rarement conservées par les institutions pour des questions liées à la fois au manque de place ainsi qu’à des locaux de caisseries souvent inadaptés à la bonne conservation des emballages. Ça n’est pas notre cas au musée des Confluences, nous conservons toujours un volant de conditionnements sains de toutes infestations, propres et facilement adaptables. Nous recyclons ce qui peut l’être, dans la mesure du possible.

L’Allosaure a donc été à nouveau démonté puis à nouveau conditionné pour son transport vers la Gare de Saint-Exupéry. Mais avant l’installation proprement dite de ce grand squelette de plus de 6 m de longueur, nous avons effectué plusieurs aller-retour à la Gare pour nous assurer à la fois de la sécurisation du futur espace de présentation, des voies d’accès, de l’aire de déchargement, du trajet des caisses au sein de la Gare, et surtout des moyens qu’il nous faudrait mettre en œuvre pour installer cet allosaure dans les meilleures conditions. Le spécimen en question est un moulage armé de métal et constitué de mousse recouverte de résine patinée, il ne présente pas les mêmes problématiques de conservation qu’un objet ethnologique de poils, de bois ou de plumes. L’espace de présentation alloué pour cette présentation aurait été trop lumineux pour un spécimen naturalisé où une coiffe amérindienne. En outre, l’hygrométrie ainsi que la température n’y sont ni contrôlées ni régulées.
Une fois l’ensemble des étapes de cette future installation conjointement validés, nous avons acheminé le squelette à l’aéroport.
L’équipe de montage était constitué de deux membres du service muséographique qui nous ont aidé à disposer le socle sur le plateau de présentation (socle d’ailleurs repris et repeint pour l’occasion), le responsable des collections paléontologiques du musée maître d’œuvre du remontage (une multitude d’os à disposer dans le bon ordre), ainsi que des membres de l’équipe de la régie des œuvres accompagnant transport et mise en place de l’ensemble, pose du socle comprise. Au sein de l’équipe régie, notre collègue, assistante de conservation, était également présente pour assurer, au besoin, de petites restaurations. Ses compétences n'ont pas été sollicitées mais c’est une précaution que nous avions prise car le spécimen reste assez fragile et il était nécessaire d’anticiper toute casse éventuelle.

Une grande partie de nos activités consiste à anticiper autant que possible, il faut prévoir au mieux. Lorsque nous travaillons sur les itinérances d’exposition, par exemple celles qui ont eu lieu au musée de Pointe-à-Callière de Montréal ou au musée des civilisations de Québec, nous prévoyons toujours, au sein des caisses de transport, un compartiment où nous disposons du matériel « au cas où » qui nous permet de résoudre pas mal de petits soucis hors question majeures de restauration. La colle Paraloïd apportée à Montréal lors de l’installation de l’exposition Dans la chambre des merveilles nous a permis d’assembler des pattes de tarentules qui s’étaient désolidarisées pendant le transport. Une question abordée avec le responsable des collection entomologie avant notre départ qui nous a permis d’envisager sereinement la remise en place de ces pattes.

Quels sont les prochains grands projets de déplacement d’œuvres en dehors du musée ?

La prochaine exposition qui va donner lieu à un déplacement important de nos collections est l’exposition Magie qui va être présentée dans un premier temps au Muséum d’histoire naturelle de Toulouse et qui viendra ensuite à Lyon dans une version plus étoffée en termes d’objets. Une coproduction en mouvement qui va nous amener à emballer et transporter nos collections prêtées dans le cadre de cette exposition. Nous assurerons, à cette occasion, emballage, transport, accrochage et décrochage de nos collections. L’exposition Dans la chambre des merveilles revient de Montréal en janvier, traitement avant remise en réserve de 500 objets et à peu près 60 m3 de caisses à prendre en charge. L’épisode covid-19 a également suspendu certaines opérations d’importance, par exemple, l’exposition Le monde en tête dont le départ était programmé à Montréal à l’automne et qui a été suspendu durant le confinement. L’itinérance d’expositions de ce type représente de grosses opérations. Outre la préparation du transport, il y a les opérations d’emballages et de mise en caisse, les dossiers Douanes et CITES (Convention de Washington), la gestion administrative, etc... Une exposition comme Le monde en tête c’est environ quinze jours de déplacement in situ : il faut réceptionner les caisses, procéder à leur ouverture, aux rédactions de constats d’état (passage obligé qui permet de vérifier si le transport s’est bien déroulé, si tout est en ordre), veiller aux manutentions, manipulations, soclages et accrochages des objets.
Toutes ces opérations doivent être menées sans stress. Je ne dis pas qu’il n’y a pas de pression, c’est parfois la course, cela peut arriver, cela arrive, mais il est essentiel que le régisseur sache garder son calme et ne cède pas à l’affolement quand un problème technique vient gripper la machine.

Galerie

© musée des Confluences – Yohann Merlevede
© musée des Confluences – Yohann Merlevede
© musée des Confluences – Yohann Merlevede
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